La lumière envahit la chambre pour mieux incommoder les yeux de la jeune femme. Il faisait si blanc qu'elle préférait les garder fermés. Depuis que le Tsuchikage l'avait déposée à l'hôpital, elle n'était pas sortie de sa chambre. Elle était restée dans son lit, en laissant son ossature se régénérer après le coup colossal qui lui avait été porté. Une semaine après, elle était plus ou moins en forme. Elle pouvait agir comme elle le voulait, mais on lui indiqua que des blessures au niveau de la cage thoracique risquaient de profiter de la fragilité de ses os, et qu'il lui faudrait une nouvelle semaine avant de retrouver leur solidité originelle. Elle ne savait pas ce que les médecins lui avaient fait, mais cela fonctionnait: elle n'avait plus mal.

Elle se leva en se remémorant ce que le Tsuchikage lui avait dit: elle avait rendez-vous dans son bureau dès qu'elle pouvait sortir de l'hôpital, car il désirait lui apprendre une technique. Elle soupira: peu de gens savaient que les membres du clan Guzen ne pouvaient pas choisir leurs techniques aussi facilement que les autres ninjas. Leur chakra était naturellement bas, et les affinités fragiles. À moins qu'il ne s'agissait d'une technique de corps à corps qu'elle pourrait utiliser avec très peu de chakra, il y avait peu de chances que cette technique ne fasse écho à l'une des cartes que Gujiko n'avait pas encore maîtrisées.

Ou alors se trompait-elle? Il s'agissait bien du Tsuchikage, l'homme qui gérait le Pays de la Terre: il était bien trop influent pour être sous-estimé. Son dernier combat contre la kunoichi l'avait prouvé, même si elle n'avait pas véritablement compté gagner: elle avait su dès le début qu'il ne pouvait pas perdre en y allant sérieusement. Même s'il connaissait les particularités des cartes du clan Guzen, il ne pouvait pas deviner quelles techniques Gujiko pouvait espérer maîtriser. Elle devait lui faire confiance, et elle allait pouvoir voir comment tout se déroulerait.

Une infirmière entra:

"Oh, vous êtes levée! Vous êtes sûre que vous ne voulez pas rester un jour de plus?
-Non, j'ai rendez-vous avec le Tsuchikage."

Le regard légèrement inquiet de l'autre femme laissa supposer qu'elle avait deviné qui avait causé les premières blessures chez la patiente. Cependant, comme elle avait probablement entendu ce que le Tsuchikage avait dit - et comme on ne se mettait pas simplement en travers de la volonté de Ryôtenbin no Ônoki - elle bénit simplement Gujiko:

"Que rien de grave ne vous arrive, alors. Faites attention à vous."

Gujiko la remercia et prit ses affaires avant de se diriger directement chez son entraîneur en devenir. Non pas chez lui directement, mais dans son bureau, puisque c'était presque là où vivait le Tsuchikage. Comme elle ne fut pas spécialement rapide pour rejoindre le bâtiment administratif, elle s'attendait presque à le voir sortir la rencontrer pour aller aussi vite sur le terrain d'entraînement, mais rien n'y fit: si il avait été mis au courant de sa sortie d'hôpital, il avait préféré consacrer le temps qu'il lui restait à faire autre chose de plus productif. Peut-être n'avait-il pas le temps de l'entraîner, cette fois? Le moment pouvait très bien être mal choisi, après tout.

Gujiko frappa à la porte et attendit une réponse pour entrer et s'annoncer:

"Bonjour, Tsuchikage-sama. Je suis à nouveau sur pieds, prête pour l'entraînement dont vous m'aviez parlé."

Sans un mot, le Tsuchikage avait mené Gujiko vers un terrain d'entraînement qui lui semblait plus important. C'était un honneur que de se trouver en ce lieu, dans cette situation: elle allait apprendre une nouvelle technique de doton sous la supervision du maître en la matière en personne, le ninja le plus fort du pays, et celui qui maniait la terre comme personne. Certes ses techniques ne s'apprenaient pas aussi facilement, vu les conditions spéciales imposées par son style de combat unique. De plus, elle ne pouvait peut-être même pas apprendre à utiliser le coup qu'il comptait lui apprendre.

En effet, les cartes du clan Guzen liaient les techniques qu'elles renfermaient à leur utilisateur, l'empêchant quasiment d'en utiliser d'autres. En pratique, ce n'était pas impossible de tirer parti de techniques qui n'étaient pas issues desdites cartes, mais leur utilisation demandait en général beaucoup trop de chakra. Seules les plus faciles d'entre elles ne posaient pas de problème. Le Tsuchikage savait probablement cela, mais il n'avait pas pu prévoir quelle technique les cartes de la Levée Infernale renfermaient. En fait, développer les pouvoirs de l'une de ces cartes demandait au shinobi de l'étudier, de tester sa réaction à son chakra, de voir comment celui-ci interprétait l'essence même de l'artefact. Après des sessions de méditation et d'essais, le ninja cartomancien finissait par déchiffrer la nouvelle capacité qu'il allait pouvoir maîtriser. Commençait alors ledit entraînement, où il apprenait à combiner son chakra avec celui de la carte afin d'obtenir l'effet voulu.

Une méthode alternative, mais beaucoup plus hasardeuse, consistait à se faire apprendre la technique par un externe. Pour cela, il fallait d'abord être sûr que ladite technique faisait partie des cinquante-quatre cartes du paquet en question. La Levée Infernale étant un jeu basé sur le doton et le katon, le Tsuchikage commençait avec de bonnes chances de connaître une technique appropriée. En le suivant, Gujiko avait sorti les cartes de leur boîte. Elles étaient vieilles, certaines illustrations perdaient en contraste, mais on pouvait toujours en deviner le sens. Elle avait rangé les cartes dont les techniques lui étaient déjà connues, ainsi que celle de l'Ange Gardien, la technique ultime du clan Guzen. Il en restait une grosse quantité dont elle ne connaissait pas les effets. En comptant sur le fait que les cartes réagissaient à leur exposition à leur technique, Gujiko comptait se rendre compte rapidement de laquelle elle allait devoir garder.

Lorsque le vieil homme lui demanda si elle connaissait le Chidôkakû, Gujiko se retint de simplement répondre "non", car il se doutait bien que c'était le cas: les cartomanciens du clan Guzen ne reconnaissent pas vraiment les techniques par leur nom habituel, mais juste par le nom de la carte qu'ils doivent piocher pour pouvoir l'utiliser. Cependant, le Tsuchikage ne s'était pas attendu à une réponse de sa part, car il effectua un rapide geste de la main, la plaquant au sol: la terre gronda un bref instant sous les pieds de la kunoichi, après quoi elle s'éleva rapidement jusqu'à une dizaine de mètres du sol. Gujiko ne s'était pas attendue à être prise pour cible, aussi faillit-elle tomber lorsque la terre se stabilisa à nouveau.

Le vieillard lui demanda à forte voix si elle était prête, mais Gujiko ne l'entendit qu'à moitié: son attention avait été attirée par l'une des cartes qu'elle tenait dans sa main, dont l'illustration représentait une femme en robe large couchée dans une large tombe, un homme pleurant à côté de celle-ci. Il tenait une pelle et semblait avoir creusé le trou, puisqu'une large pile de terre était représentée derrière lui. C'était le Haut Tombeau.

La juunin fit eut un grand sourire alors qu'elle se pencha au-dessus du vide en révélant la carte qui luisait légèrement.

"Tsuchikage-sensei! Votre technique est superbe! J'ai trouvé la carte qui lui correspond, ça a marché du premier coup! On va pouvoir commencer, je suis prête!"

Elle avait juste rangé les autres cartes, dont elle apprendrait les techniques une autre fois, quand elle se demanda si elle devait rester en haut de la colonne pour l'entraînement: c'était probable, le Tsuchikage l'avait certainement faite monter pour une bonne raison. Allait-elle devoir descendre en annulant la technique en utilisant sa carte? Cette perspective la faisait frémir: elle perdrait tout son chakra avant d'avoir atteint seulement la moitié de la distance...

S'élevant en lévitant afin d'atteindre la hauteur de Gujiko, le Tsuchikage prit un air condescendant en supposant correctement la carte qu'elle avait mise en évidence. Comment pouvait-il savoir? Gujiko fut frappée d'une seconde de questionnement avant que le vieil homme ne reprit la parole, lui expliquant qu'il avait côtoyé son grand-père, le dernier utilisateur des cartes de la Levée Infernale. Il était donc bien placé pour connaître les techniques qu'elle ne maîtrisait pas encore! Se rendant compte qu'il s'agissait là d'une aide énorme qu'elle pourrait mettre à profit pour apprendre encore plus de techniques, Gujiko mit de côté ces objectifs à trop long terme pour se concentrer sur ce qu'il y avait à faire immédiatement: apprendre à maîtriser le Haut Tombeau.

Le Tsuchikage annula les effets de son Chidôkakû afin de la faire retrouver le niveau du sol, où il lui annonça les couleurs de son entraînement: elle allait commencer par méditer, comme il était de coutume chez les Guzen. Mais d'abord, il lui fallait tester les contacts entre son chakra et la carte et l'affiner si nécessaire, ce qui pouvait prendre un peu de temps. Idéalement, toutes les cartes du paquet d'un ninja cartomancien pouvaient se polariser pour réagir favorablement à son chakra, mais cela prenait de longues années, et Gujiko était loin d'y être parvenue: elle en était encore au stade où chaque carte sur laquelle elle jetait son dévolu devait être domptée séparément. Peut-être que d'ici quinze ans, l'entièreté de son paquet serait en phase avec son chakra, ce qui finirait par accélérer son processus d'apprentissage de techniques. Devrait-elle attendre aussi longtemps pour maîtriser l'Ange Gardien? Eh bien, s'il le fallait, elle le ferait.

Acquiesçant en silence, acceptant les consignes de son sensei, Gujiko s'assit sur le sol, au même endroit que là où il s'était élevé (ce qui pouvait porter chance, selon certains), posa la vieille carte aux arrêtes blanchies devant elle, et posa une main dessus. C'était la méthode la plus sûre pour une carte renfermant une technique de doton. Les autres types de ninjutsu, et les techniques de spécialités différentes demandaient toutes des postures différentes afin d'être harmonisées au mieux. La position dans laquelle Gujiko se trouvait risquait de lui donner des crampes si elle devait la maintenir pendant plus de deux heures, mais elle s'y préparait déjà: elle n'échouerait pas aussi tôt dans son apprentissage.

Fermant les yeux pour ne se concentrer plus que sur le sol, le contact qu'il faisait avec sa main autour de la carte, et le flux de chakra qu'elle pouvait légèrement sentir à travers son bras, Gujiko commença à faire de grandes inspirations, suivies d'expirations bien lentes, le tout afin de trouver une paix intérieure, et favoriser la manifestation de son chakra doton. Au bout de cinq minutes environ, elle commença à percevoir le chakra de la carte, qui réagissait faiblement au contact avec le sol. Il n'essayait pas de s'échapper - le chakra n'était pas conscient, après tout - mais il tendait à se disperser légèrement. Si Gujiko finissait par sentir que celui-ci se déversait dans sa main, elle pouvait considérer que la carte était harmonisée, alors que si elle avait l'impression que le chakra de celle-ci ne venait pas, ou s'il se déversait dans le sol, elle devrait prendre beaucoup de temps avant le début du véritable entraînement afin de préparer la carte. Elle attendit encore une dizaine de minutes, ne sentant rien de spécial, comme s'il n'y avait plus de chakra dans la carte. Enfin, elle perçut comme une infime vibration dans sa paume, alors qu'un flux de chakra se créait entre elle et la carte. Elle s'y coupa afin de ne pas accidentellement vider l'artefact de sa puissance, et ouvrit les yeux. Elle remarqua qu'elle avait affiché un sourire sans même s'en rendre compte, et se reprit: Elle allait à présent devoir méditer, absorber toutes les connaissances passives liées à cette technique. Pour apprendre un coup dont elle ignorait tout, cette phase pouvait prendre une heure ou deux s'il était facile, ou plusieurs jours, voir plus d'une semaine pour les plus difficiles. Cependant, le Tsuchikage pouvait l'aider:

"Tsuchikage-sensei! Pourriez-vous me montrer à nouveau votre technique, et utilisée de plusieurs manières différentes, si possible? Cela me permettrait d'apprendre plus rapidement, et de passer plus vite à l'étape de l'entraînement..."

Il était toujours là, peut-être avait-il suivi la première étape avec attention, percevant la terre comme personne? Peu importait: il était la clé pour maîtriser la technique rapidement, et Gujiko avait besoin de lui pour lui montrer ce dont était capable le Chidôkakû, son Haut Tombeau.

La technique semblait extrêmement polyvalente. Gujiko s'en réjouissait: utiliser une carte de plusieurs manières différentes lui laissait de la place pour s'adapter aux situations difficiles dans lesquelles elle n'avait pas beaucoup de temps pour piocher une autre carte. Monter la terre, la descendre, voilà qui permettait de prendre les ennemis par surprise, tendre une embuscade, arrêter une attaque puissante ou couper un affrontement. La liste était courte mais absolument pas exhaustive.

Le Tsuchikage l'utilisait encore et encore, montrant à quel point il maitrisait son Doton. Il creusait des trous petits et grands, profonds ou plus subtils. La terre s'élevait sous son commandement, dressant des murailles ou des colonnes, des couches pas plus hautes qu'une marche ou des semblants de tables. Les techniques aux effets modulables étaient les préférées de la kunoichi, mais elle savait également à quel point elles étaient plus difficiles à maîtriser, le chakra de l'utilisateur jouant un rôle plus important que pour les autres. Dans l'apprentissage du Chidôkakû, son lien avec la carte du Haut Tombeau jouerait un rôle particulier: l'intermédiaire qui lui permettrait de focaliser son chakra facilement devait être extrêmement familier pour elle.

Ayant observé les manœuvres du Tsuchikage, elle était prête: la méditation allait pouvoir commencer pour de bon. Cela ne scellerait pas l'entraînement en lui-même, mais après cette étape, elle allait pouvoir répéter les mudras, les gestes et les mouvements de chakra, ce qui constituait l'entraînement habituel d'un ninja visant à maîtriser une nouvelle technique.

Elle s'assit sur le sol légèrement soulevé et se cala confortablement le coccyx contre une pierre, sachant qu'elle aurait peut-être à rester immobile pendant une douzaine d'heures, voir plus. Elle remercia le chef du village pour l'aide apportée jusque là:

"Merci beaucoup, Tsuchikage-sensei! Je vais maintenant devoir méditer avec cette carte pour être prête à m'entraîner enfin. Vous savez que ça risque de prendre du temps... surtout que c'est une technique complexe. Mais comme vous m'avez montré tout ce qu'on pouvait s'attendre de celle-ci, je pense que ça devrait aller."

Détestant se montrer impolie envers le plus puissant ninja, qui l'avait tant aidée après leur rencontre musclée de la semaine d'avant, elle se rendait légèrement coupable en le laissant là. Il ne pouvait plus rien faire en attendant la fin de cette étape, et personne ne pouvait dire combien de temps elle allait durer. La kunoichi lui fit un sourire pour accompagner ses mots de remerciement, ne s'attendant pas à ce qu'il reste. Ils étaient en extérieur, et ni la pluie ni le vent n'arrêteraient ses pensées et son chakra, alors qu'ils se combineraient avec l'essence du Haut Tombeau pour forger des liens qui ressortiraient lors des combats, où Gujiko aurait le plus besoin de la carte. En quelques sortes, c'était le Destin qu'elle essayait de façonner à travers sa méditation, dans la plus pure philosophie du clan Guzen.

Tout ne faisait pas sens, loin de là. Les mystères du Haut Tombeau restaient complets, mais des fils de pensées commençaient à s'en détacher, laissant Gujiko profiter de petits indices sur la carte avec laquelle elle tentait de communier. Combien de temps s'était-il écoulé depuis qu'elle avait fermé les yeux, laissant là le Tsuchikage, son formidable mentor d'un jour? Ce n'était pas la première fois qu'elle se plongeait ainsi dans la méditation lui permettant d'étendre son champs de connaissances, mais la vitesse à laquelle elle dévoilait les détails de la technique doton était inédite. En trois heures de réflexion, elle avait obtenu un état qui lui aurait pris une demi-journée sans l'aide qu'elle avait reçue.

Le travail n'était cependant pas accompli. Même si elle parvenait à voir légèrement sous la carapace de mystères de l'arcane du Haut Tombeau, elle allait encore devoir s'immiscer dans les profondeurs des connaissances qui y étaient enfermées, qui lui permettraient de ne faire plus qu'un avec le chakra de la carte, et ainsi pouvoir faire appel à celle-ci lorsqu'elle la piocherait.

En tenant la carte entre ses mains horizontales, elle laissait son chakra voyager librement dans le vieux carton, où il rencontrait l'essence de la technique. Ses pensées accompagnaient ces mouvements tout en cherchant à maîtriser les gestes qu'avait effectués le Tsuchikage. Il maîtrisait la terre mieux que quiconque, et l'avoir comme exemple était une bénédiction pour le bon déroulement de l'entraînement.

Le temps n'avait aucune emprise sur le fil des pensées de la jeune femme alors qu'elle se voyait effectuer les gestes du Chidôkakû encore et encore, à tel point que ses muscles commençaient à ressentir les retours des mouvements.

Huit heures s'étaient écoulées quand elle rompit son immobilité, portant ses mains au sol sur lequel elle était assise. Celui-ci trembla légèrement. Gujiko ouvrit les yeux: son corps était fatigué, son dos lui faisait légèrement mal, mais son esprit avait vaincu: elle était prête à s'entraîner physiquement à l'utilisation de cette technique. Cependant, elle se leva d'abord, cherchant le Tsuchikage du regard, ne sachant pas si il était dans les parages.