C'est marrant la vie quand même. On a l'impression de tourner en rond et pourtant, il peut arriver n'importe quoi à peu près n'importe quand. On sort acheter du pain comme d'habitude et tout à coup, une dame se fait agresser et on se retrouve à la défendre du malfrat. On passe la tondeuse dans son jardin et une averse tombe depuis un ciel d'été brûlant. On sort avec un ami pour discuter et s'amuser un peu et la rencontre tourne à la débandade. J'étais avec Makoto en début d'après-midi. Ça n'a a priori rien d'extraordinaire, on est toujours fourré ensemble. On est allé faire un tour dans le quartier, histoire de se dégourdir les jambes. Je n'ai pas encore reçu de mission, ça ne fait encore que deux jours que je suis genin ; ça ne devrait pas tarder cela dit, enfin j'espère ! Je vais rencontrer mon équipe bientôt, il faut juste qu'ils s'organisent là-haut. Bref.
J'étais donc avec Makoto et on se baladait en rigolant dans le quartier. On a croisé monsieur Kubiha qui réparait le portail de la maison des Hozawa ; la jolie maman de Hitsugaya et Mamoru qui revenait du marché. Depuis qu'il traîne avec moi, Makoto a bien meilleure réputation et je n'ai pu m'empêcher de le lui faire remarquer. Sa réponse fut grinçante. « Tu crois que tu vaux mieux, genin-kun ? » J'ai rougi. On s'est installé dans le petit jardin à côté de la maison abandonnée qui domine le quartier. C'est notre repaire d'habitude, c'est tranquille là-bas. Makoto est grimpé dans le vieux chêne et moi, je me suis assis sur le parapet pour observer les environs. C'est fou ce que le quartier a l'air pauvre vu de là-haut. Pourtant on n'est pas si mal lotis. C'est bien pire dans le quartier sud. Mais bon, quand même, quand on voit le centre-ville avec toutes ces rénovations...
Je perds le fil, ça m'énerve ! Je ne veux pas oublier, alors j'écris ; mais si je me perds sans cesse dans des digressions, je ne vais jamais m'en sortir >.< Donc, Makoto, tout en arrachant des branchettes du vieil arbre, s'est mis à poser des questions. C'est déjà incroyable en soi car Makoto ne demande pas normalement, il déclare.
La question m'a pris de court.
Je balançai mes pieds d'avant en arrière au dessus du vide. Avant j'avais peur du vide, maintenant ça va mieux. En même temps un shinobi qui a peur du vide, c'est limite.
Il sourit et sauta au sol. Je me levai et me mis face à lui.
Je réfléchis un instant et songeai à la fois où Makoto avait utilisé la pointe d'un vieux clou rouillé pour se percer un bouton d'acné. Dans un frisson, je me dis que des explications n'aideraient à rien.
Je fis le signe du tigre. Il fit n'importe quoi.
Rien qu'en racontant ça, je sens que je ne serai jamais sensei. Il finit par y arriver à peu près correctement. Je lui dis d'essayer de se représenter mentalement son énergie — enfin, grosso modo ; si je l'avais dit comme ça, il aurait peut-être compris — à l'intérieur de son corps et il me dit qu'il sentait quelque chose. Ensuite, il a fait un truc de son style.
Après avoir perdu patience, je lui expliquai comment effectuer les sceaux pour le clonage. Il me copia tant bien que mal. Lorsque mon clone apparut, et qu'il vit qu'il n'en avait produit aucun, je vis ses espoirs glisser le long de son visage. De toute évidence, il n'avait pas de talent pour ces choses là. Il aurait dû au moins faire apparaître un nuage de fumée, ou un machin difforme et translucide avec une tête et des bras. Je ne me sentais pas le cœur à abandonner cependant car il était trop déprimé.
Il se réjouit instantanément. Je sortis de la sacoche attachée à ma cuisse deux shurikens. Je lui en donnai un en lui disant bien que c'était coupant...
...puis lui montrai comment lancer. Mon shuriken alla se planter dans le tronc du vieux chêne. Makoto n'attendit pas un instant et promit de taper en plein dans le mien. Il se mit en position avec un sérieux presque ridicule, inspira et lança le projectile dans un « HA » exagéré mais sincère. Le shuriken traça sa route, manqua l'arbre et disparut dans un fourré. Et le fourré jappa. Makoto fit une grimace. Ensuite le fourré grogna et remua. Nous fîmes tous deux un pas en arrière. Soudain, une ombre sauta par dessus la petite haie et un chien énorme nous fit face. Il tenait le shuriken dans sa gueule d'un air mécontent, du sang coulait sur son pelage beige à hauteur de l'épaule.
Le chien, dans un coup de tête, fit voler le shuriken qui alla frapper en plein mille mon shuriken, lequel se délogea et tomba dans un bruit sourd sur l'herbe. Sans plus attendre, nous prîmes nos jambes à nos cous. Poursuivis par la bête, nous ne nous laçâmes pas un regard durant cette course folle et lorsque je m'aperçus finalement que je n'étais plus en danger, j'étais arrivé dans le centre-ville et avais perdu Makoto. J'espérais qu'il ne lui était rien arrivé et avais l'intention de rebrousser chemin pour m'en assurer mais je fus retenu avant même de pouvoir tourner les talons.