Le Pays de la Foudre n'était pas des plus hospitaliers, il est vrai, mais, comparé aux trois autres grandes nations qui formaient avec le Feu le pentagramme des grands pays, il n'avait pas à pâlir de sa beauté. Avec le Pays de la Terre, il s'agit de celui où j'avais le moins mis les pieds durant ma longue vie. En effet, Kumo, à l'instar d'Iwa, gardait très bien ses frontières et n'avait pas d'allié, et certainement pas Konoha. Toutefois, à l'inverse du village de la Roche, celui des Nuages n'avait jamais subi de démilitarisation intensive et avait ainsi posséder une grande armée -la plus grande de toutes. Il y était donc moins facile de s'en approcher et, par ailleurs, les raisons de le faire étaient bien moins nombreuses. Je ne connaissais donc que très peu ce paysage. Cependant, du haut de mes cinquante quatre ans et alors que je circulais au beau milieu de vastes et chatoyantes plaines surplombées de cumulus omniprésents, je commençais à regretter de ne pas avoir profité de cela davantage auparavant. Je n'avais jamais apprécié les shinobi de cette nation et évitais ainsi de m'y aventurer aussi longtemps que je le pouvais. Il était de notoriété publique qu'Iwa et Kumo étaient les plus belliqueux de tous, mais le caractère des Raikage m'avait toujours davantage déplu. Avec le vieil Ônoki, nous savions exactement à quoi s'attendre : il était têtu, fourbe et complexé mais, avec le temps, nous avions tous fini par apprendre à ne plus se fier à lui et à ne plus tenter une quelconque approche à son égard. Pour les Ombres de la Foudre, cela était différent : il était impossible de savoir si leurs offres étaient sérieuses ou non et, quand bien même nous étions certains de la possibilité d'une alliance là où tout l'indiquait, nous étions poignardés dans le dos comme lors de l'incident des Hyûga il y avait treize ans de cela.

Passer la frontière du pays n'avait été ni chose aisée, ni compliquée. Certes, il y avait plus de gardes ninja à cet endroit que nulle part ailleurs sur le continent, mais ce n'était pas au point d'être contraint de passer furtivement entre deux, d'autant que le lieu attirait de nombreux visiteurs et que mise à part la mer, cette frontière avec le Pays du Gel était le seul passage possible, là où chaque autre nation en possédait au moins trois. Il m'avait suffi de me transformer en touriste enthousiaste à l'idée de visiter ce pays et le tour fut joué. L'une des tactiques pour passer incognito était de se faire remarquer - c'était toujours moins suspect que de ramper dans une touffe d'herbe - et il se trouve que j'étais non seulement doué en cela depuis toujours, mais qu'en plus j'adorais faire le mariole. Ce fut donc sous les regards étonnés et les sourcils haussés des trois shinobi présents que j'avais fait mon entrée, puis j'avais encore gardé cette tenue et cette attitude durant quelques heures à la suite de cela, discutant joyeusement avec les quelques passants que je croisais sur la route, parlant affaires avec les marchands nomades ... C'est à la nuit tombée que j'ôtai le masque et repris le cours normal de ma route. Car je n'étais pas là pour divaguer : j'avais une mission.

Je recherchais un homme, petit brigand sans envergure à la carrière peu brillante. Il y avait des chances pour que celui-ci ait élu temporairement domicile non loin du village ninja caché dans les montagnes, au cœur de ce qu'on appelait communément la Vallée des Nuages. Cet escroc de bas étage et sans aucun talent particulier, si insignifiant pouvait-il être, pouvait possiblement avoir des informations sur l'un des emplacements favoris non pas d'Akatsuki, cette fois-ci, mais de mon vieux compère Orochimaru - et donc d'Uchiha Sasuke qui l'accompagnait. C'était une chance rare d'en savoir plus les concernant. Le délai du serpent, cet ancien collègue déchu, arrivait à sa fin : il allait bientôt pouvoir ré-éditer sa technique de possession et prendre contrôle du gamin haineux au Sharingan. Interroger cette petite frappe afin d'obtenir un lieu précis pouvait très bien être la dernière chance à mon filleul de mettre la main sur son ami qui, à l'instar de son maître des années auparavant, avait choisi de trahir et de quitter village et camarades afin d'assouvir ses sombres desseins.

Me rendre sur place ne fut pas bien ardu, mais celle-ci était réellement vaste, quoique magnifique. Dénicher cette crapule inconnue de tous était une autre paire de manches. Il me fallut questionner, sans trop me faire remarquer non plus, de nombreux habitants des environs, puis suivre les traces du pickpocket. Naturellement, il n'était pas le seul : nombre d'entre eux rôdent non loin des grands villages ninja riches tel que Kumo. Il ont certes plus de chance de se faire attraper mais, lorsque ce n'est pas le cas, le pactole peut-être conséquent. Je tombai sur différents hommes et femmes, de tout âge - crise oblige -, parfois la main dans le sac, mais ce n'était jamais celui que je cherchais. J'en questionnai quelques uns pour découvrir s'ils connaissaient leur collègue et s'ils savaient où il pouvait bien se rendre, m'avérant un tantinet plus menaçant avec certains afin de leur délier la langue. Il me fallut une poignée de jours avant d'enfin découvrir où ma cible se dirigeait : dans un petit village plus à l'ouest, non loin de l'une des rares zones du coin à abriter une forêt.

Je circulais au sein de cette dernière, belle et majestueuse mais peu comparable à celle, dense, du Pays du Feu, lorsque je mis finalement la main sur mon homme. Or, il se trouve que je n'étais visiblement pas le seul à l'avoir fait. Entendant des bruits et quelques faibles cris au loin, dont quelques entrechocs de ferraille, je me dirigeai vers le lieu d'où cela provenait. Je me fis tout naturellement discret, camouflant ma présence et mon Chakra au maximum, dans l'éventualité probable où je tomberais sur des shinobi des Nuages. Perché au sommet d'un arbre, sur une branche solide, je vis que je n'avais pas entièrement raison : il n'y avait qu'un seul Kumojin. Face à lui, mon bandit. Curieux et ne souhaitant nullement affronter de ninja ennemi sur ses terres au risque de déclencher des affrontements entre nos deux villages, je me décidai à observer la scène, attendant un moment plus propice où je pourrais capturer ma proie discrètement et déguerpir illico. L'idéal aurait été que le voyou que je traquais depuis des jours parvienne à assommer son assaillant ... L'homme qui lui faisait face semblait en effet très jeune, je pouvais donc compter sur son éventuelle incompétence mais, étrangement, j'avais le sentiment que tout n'allait pas se passer comme je le souhaitais.

Le gamin des Nuages savait se défendre, c'était indiscutable. Je ne le vis faire que très peu de mouvements, mais il était évident que le Taijutsu n'avait que peu de secret pour lui. Je ne suis moi-même pas un adepte de cette pratique, bien que je connaisse les bases, mais la façon de bouger, de se tenir et, surtout, de frapper du jeune shinobi démontrait son niveau relativement élevé dans cette discipline. Le coup de poing qu'il asséna à ma cible coupa net la respiration de ce dernier, ce qui permit au Kumojin de se placer comme il le souhaitait afin de le cogner en plein menton, de bas en haut. Cet uppercut fit quitter le sol au bandit, qui atterrit bruyamment sur le dos à quelques mètres de là, à moitié sonné. Observant le ninja s'approcher de lui d'un pas conquérant, je me surpris à soupirer. Ce type qui venait de se faire aplatir par un gamin et qui, par dessus tout, commençait à couiner de peur face à celui qu'il avait probablement tenté de voler un instant plus tôt, avait-il réellement la moindre information au sujet de mon vieux compère serpent ? Si tel était le cas, comment l'avait-il obtenu ? En pleurant ? Non, je ne pouvais croire que ce lâche fût au courant de quoique ce soit. Et pourtant, je ne pouvais en avoir la certitude, et tel était mon problème. Car s'il détenait bel et bien du concret concernant Orochimaru, je ne devais pas le laisser aux mains fermes de Kumo : plus jamais je ne le reverrais. Quand bien même le Raikage ne l'emprisonnerait pas de longues et interminables années pour ses nombreux larcins, un bref passage devant cet homme musculeux et brute ainsi que dans la prison de ce village le calmerait définitivement et retrouver sa trace en deviendrait beaucoup plus difficile. Or, je n'avais ni le temps d'attendre qu'il soit libéré, ni l'envie de le traquer sur tout le continent pour une information qui n'existait peut-être même pas. Il me fallait donc agir.

Le jeune ninja de Kumo, probablement Chûnin au minimum, brandissait son poing en se rapprochant de voleur à terre. Le regard qu'il jetait à sa victime semblait être teinté de déception, bien que l'angle de vue que j'avais, perché sur une arbre, n'était pas des plus propice pour observer dans les yeux un homme au regard baissé. Mais ses sourcils avaient une forme que je reconnaissais assez facilement et, de plus, comment ne pouvait-il pas être déçu après un affrontement si lamentable ? Moi-même je l'étais alors que j'avais près de cinquante années de carrière et que je me blasais désormais assez vite. Ce qui était en tout cas certain, c'est qu'il souhaitait l'achever. Son poing seul ne pouvait certainement pas le tuer, et je doutais qu'un Kumojin - aussi jeune qui plus est - puisse tuer de sang-froid une crapule de basse zone déjà clouée au sol, mais je n'avais aucune envie de traîner un homme inconscient à travers le pays, aussi peu de masculinité puisse-t-il posséder. Tandis que le shinobi aux cheveux blancs et courts balançait en pleine tête de son ennemi du jour une phrase tout à fait véridique en même temps que son poing enroulé dans des bandages, je me laissai tomber de mon arbre, les mains jointes en un mudra afin de déployer ma propre chevelure, beaucoup plus longue. Celle-ci s'allongea d'ailleurs davantage, des mèches de gauche s'agrippant à une branche haute devant moi me permettant de me balancer tel un homme-araignée. Surplanant de ce fait la position des deux hommes en lâchant un "Hoplé !" au passage, mes mèches de droite s'enroulèrent autour du torse de ma proie et l'emmenèrent avec moi rejoindre les hauteurs d'un nouvel arbre, la tête à l'envers. Mon prisonnier se débattait, agitant les bras en tout sens : en plus d'être lâche au sol, il semblait avoir le vertige ... Pour ma part, je tournais le dos au Kumojin toujours au sol, dont le poing n'avait qu'effleuré son punching-ball. Il n'avait pas eu le temps de voir mon visage lorsque j'étais passé au-dessus de lui, d'autant qu'il était concentré sur sa cible, et il ne le pouvait toujours pas. Cela devait rester comme ça : qu'importe son âge et le fait que je ne portais pas de sigle de Konoha, il pouvait toujours être en mesure de me reconnaître. Non content de s'afficher au dos de chacun de mes livres, mon visage était également bien présent dans certains livres d'histoire du fait de mon soi-disant glorieux passé.

Désolé gamin, j'en ai besoin ! lui déclarai-je en criant afin qu'il m'entende. Non seulement j'étais en hauteur, mais le vent soufflait fort dans le coin. Je vous le rendrai dès que j'en aurai fini avec lui, il aura droit à un beau séjour à la prison de Kumo ! Je finis par rire puis me précipitai droit devant moi, sautant de branche en branche, afin de m'éloigner au plus vite du Kumojin. Celui-ci devait certes être étonné et incompréhensif devant ce qui venait d'arriver, mais il n'allait pas tarder à reprendre ses esprits et à me poursuivre. Or, j'étais ralenti par un homme adulte qui voltigeait dans les airs avec une épaisse mèche de cheveux blancs faisant office de harnais et de corde, et si le Kumojin était un véritable spécialiste en Taijutsu, la lenteur ne devait pas être l'un de ses défauts. Je ne pouvais par ailleurs ni me dissimuler dans un crapaud qui se camouflerait lui-même dans l'eau à cause de l'absence de cette dernière, ni créer des clones pour éparpiller les pistes : seul le vrai moi serait en possession du voleur ... Je devais juste courir et sauter tout en espérant que ce soit suffisant. Mais après tout, ce n'était qu'un enfant, non ? Il n'allait pas être compliqué de me débarrasser de lui s'il me rattrapait.