Suna… Le Pays du Vent… Un célèbre poète avait construit sa renommée grâce à des vers sur ce pays, mais Fusasaki n’arrivait plus à en réciter la moindre ligne. Peut-être que s’il lisait autre chose que des traités d’économie et des études de marché, il pourrait élargir son champ de culture générale. Plus il réfléchissait à la question, plus il se rendait compte que son savoir contenait des trous : il remarqua qu’il ignorait même le nom de l’artiste en question. Tasaro ? Satoro ? Tara… Tara quelque chose, probablement.

Le marchand déambulait dans les rues du Village caché de Suna, profitant de ses larges vêtements pour se sentir aéré. Ils étaient bleu et or, aux couleurs Somei. Il les portait systématiquement lorsqu’il partait en mission non pas pour le village, mais pour son clan. Cette fois-ci, il avait amené une petite cargaison d’épices orientales, afin de les revendre en ce pays aride. Une fois la vente effectuée, il pouvait se livrer à la véritable tâche qui lui incombait : analyser les tendances du marché de Suna pendant quelques jours, et rendre un rapport aux Anciens du clan. Cela faisait justement trois jours qu’il résidait là, et il avait visité un quart de la ville environ lors de chaque journée. Il avait ignoré certains quartiers, pour ne se concentrer que sur ceux qui avaient un intérêt commercial. Il était un marchand d’un clan célèbre, aussi les réactions étaient variées lorsqu’il se présentait. Certains commerçants mettaient un point d’honneur à vouloir lui montrer leurs meilleures marchandises en tentant de lui en vendre à prix cassé. Les prix étaient certes abordables, mais les quantités qu’ils exigeaient de vendre étaient impossibles à prendre en charge, et Fusasaki ne se voyait pas préparer un retour à Konoha avec quatre charrettes remplies de ressources. D’autres individus le considéraient comme une sorte d’espion, et refusaient clairement de le voir plus longtemps dans leur magasin. Il ne leur avait bien sûr pas parlé du but véritable de sa visite, mais ils étaient offusqués qu’un riche marchand étranger puisse entrer dans leur établissement commercial sans le but d’acheter.

Un espion, Fusasaki aurait pu en être un. Sa double identité de ninja-marchand lui avait souvent permis d’espionner les actions dans une communauté sans se faire remarquer, y compris dans des Villages Cachés, tout en rentrant avec du bénéfice monétaire. Cependant, ce voyage était tout à fait innocent, politiquement parlant… mais les autorités de Suna pouvaient-elles le savoir ? L’idée lui vint que si les services secrets de Suna connaissaient son visage comme étant celui d’un Jônin de Konoha, sa présence prolongée dans leur village pouvait passer comme une activité d’espionnage… surtout s’il s’obstinait à ne rien acheter. Il avait remarqué à plusieurs des silhouettes se détourner étrangement lorsqu’il portait son regard dans leurs directions, mais c’était probablement juste son imagination qui lui jouait des tours.

Fusasaki visita une nouvelle boutique. Il s’agissait d’un fabriquant de jouets relativement connu dans la région, qui fabriquait les plus fines marionnettes que le marchand n’ait jamais vu. L’artisan était très fier de son travail, et son apprenti était en train de confectionner une petite figurine à l’effigie d’un héros national… était-ce le père ou le grand-père de l’actuel Kazekage ? Impossible à dire sans risquer de paraitre inculte. Fusasaki avait entendu à plusieurs reprises parler de la tradition shinobi de Suna qui consistait à utiliser des marionnettes comme armes de combat, mais il n’en avait jamais vu.

« Je n’ai jamais vu de shinobi de Suna se battre, mais j’ai entendu dire qu’ils utilisaient des marionnettes pour porter des attaques. Est-ce vrai ? »

L’artisan réfléchit un instant, comme troublé par la question, puis répondit :

« C’est vrai que certains ninjas sont des marionnettistes, mais ce n’est pas le cas de tous. Les jouets que nous créons ne sont pas des armes, mais des outils de divertissements uniquement. Il faudrait du chakra et beaucoup d’entraînement pour créer une marionnette de combat, et mon apprenti et moi ne sommes que d’humbles artisans. »

Légèrement déçu de ne pas pouvoir en apprendre plus sur ce style de combat des plus exotiques, Fusasaki s’apprêta à sortir, mais annonça d’abord :

« Je dois avouer que vos œuvres sont très belles, et je peux m’imaginer qu’elles se vendraient facilement à l’étranger. Avant mon départ, je viendrais en acheter un petit stock, si vous le voulez bien. »

Le fabriquant de jouets sembla content, et il accompagna le marchand jusqu’à la porte, avant de retourner vers son apprenti. La rue était relativement calme, mais beaucoup de monde la traversait. Alors que Fusasaki se demandait quelle heure il était (midi ? une heure après ?), il entendit un bruit de foule derrière lui, comme si chacun avait retenu sa respiration en même temps, et que certains avaient poussé un petit cri de surprise. Il n’eut pas vraiment le temps de se retourner qu’un jeune adolescent vint lui tourner autour. Son regard était perçant, et il ne semblait nullement gêné de son comportement qui pouvait passer pour celui d’un animal ayant trouvé de la nourriture mais se demandant s’il pouvait ou devait se servir. Le vieux marchand sentit également les regards des passants, qui s’étaient arrêtés pour voir ce qui était en train de se passer. Voulant lever une main pour rassurer chacun qu’il n’y avait rien à voir, il fut interrompu dans son geste par le garçon qui déclara d’une voix plutôt forte :

« Je ne t'ai jamais vu ici ! Et tu es bizarre... Au début, je me suis dit que tu étais quelqu'un de Suna, qui revenait d'un long périple dont je n'avais pas encore vu le visage, mais en fin de compte, en voyant ce truc sur toi, j'ai su que tu étais différent ! Et donc voilà ! Je voulais savoir qui tu es et qu'est-ce que tu fais ici ! Parce que moi, je protège le village ! Enfin, je fais du mieux que je peux ! »

Voilà ce dont il était question. Fusasaki sourit légèrement, car il avait imaginé être suivi, mais il n’aurait jamais pensé qu’il s’agirait d’un justicier en herbe qui le traquerait. Ou alors l’avait-il vraiment suivi ? Probablement pas, car la direction de laquelle il venait ne coïncidait pas, à moins qu’il ait fait un détour. Décidé de ne pas commettre d’erreur dans le cas – improbable – où le jeune était effectivement un officiel en mission, Fusasaki décida de lui répondre en jouant le jeu :

« Effectivement, je ne suis pas d’ici. Je suis Fusasaki, du clan Somei, et suis en voyage commercial. Ceci, dit-il en pointant ses larges vêtements, est une tenue traditionnelle de mon clan, donc je suppose qu’elle peut paraitre incongrue à certains, oui. »

Il s’arrêta un court instant avant de retourner la faveur à son interrogateur, alors que certains des passants reprenaient leur chemin, amorçant le mouvement global de la foule qui s’était réunie. Il remarqua également que le garçon était armé, car il entendit des cliquètements de métal venant de sous ses vêtements. Sa première impression était-elle correcte ?

« Et vous, dit-il en faisant attention à vouvoyer son interlocuteur, qui êtes-vous ? J’ai le droit de le savoir, après avoir été interrogé de la sorte. J’espère ne rien avoir commis de grave, tout de même. »

Si l’autre était un véritable shinobi en patrouille, il se devait de considérer le marchand sérieusement, alors que s’il s’agissait d’un jeune ninja cherchant à s’amuser ou curieux, il apprécierait sans doute la tournure des événements.