"Souvenirs"

Hakkuru Hachiko

Ces arbres, le bruissement des feuilles accentuées par le clapotement irrégulier de la pluie qui tombait. C'était le décor qui s'offrait à mes perles émeraude, un cadre que je connaissais par cœur, un endroit simple qui m'avait vu grandir bien malgré moi. En toile de fond, cette vieille cabane décharnée perdue au milieu de cette vaste forêt et une tombe sobre dépouillée de tout faste. Mon collègue avait visiblement compris la demande que j'avais pu lui formuler un peu plutôt, après tout ce n'est qu'un bref arrêt qui ne perturbera pas le bon déroulement de notre mission. Je m'autorise ce petit pèlerinage une fois par année pour me recueillir, me souvenir et surtout ne pas oublier. Je devrais m'en vouloir d'ignorer presque totalement mon partenaire, mais cet instant ou agenouillée je venais joindre mes mains et fermer les yeux devant cette stèle me replongeant dans des souvenirs disparates, tantôt agréables tantôt douloureux. Asaka, j'ai accompli en partie ta volonté de m'intégrer dans ton ancien village, j'espère que cela suffira à justifier ton sacrifice et m'apportera une maigre consolation. Je ne tardais pas, me relevant et exprimant un bref soupire avant de retrouver mon coéquipier réajustant une des lanières de mon paquetage sur mon épaule. Observant la lisière de la forêt devant nous, je plaçais à nouveau mon esprit dans le contexte qui nous avait amenés en ce lieu.

-Nous pouvons continuer, merci d'avoir été compréhensif.

Disais-je d'un timbre relativement neutre, n'exprimant pas grand-chose malgré toute la palette d'émotions qui m'étaient offertes. D'habitude plus enjouée et moins terre-à-terre le cœur n'y était pas. Encombrée par des pensées qui perturbaient mon humeur. Je ne connaissais pas beaucoup de choses de mon confrère, à vrai dire rien du tout même. Je présume qu'il doit avoir la même opinion à mon sujet. Le fait que la mission ne soit pas très compliquée me rassurait. Partir dans un dangereux péril sans savoir si l'épaule sur laquelle s'appuyer est fiable, pouvait toujours laisser une sensation de doute. Moi qui avais en plus l'habitude de travailler seule. Enfin je présume que si la Mizukage avait pu me faire confiance en un laps de temps aussi court. Un enfant du pays je suppose, devait être logé à une meilleure enseigne que moi. Trêve de suggestions, il était temps de reprendre notre route, Kusa est encore loin. Reprenant notre parcours, notre progression n'était entravée par aucun désagrément particulier. En fin de compte, nous avions largement le temps pour ne pas nous épuiser dans une course effrénée qui n'aurait au final rien apporté. La moitié du chemin étant fait et les rayons du soleil mourant sur l'horizon. Il était temps pour nous de nous reposer. L'auberge qui se tenait devant nous était rustique et isolée, mais c'est toujours plus agréable que de dormir à la belle étoile surtout en cette saison. Lâchant mon sac lourdement sur le sol et m'asseyant à une table, je dégustais un thé commandé un peu plus tôt. Me décidant finalement à entamer une conversation un peu plus que formelle avec le jeune homme.

-C'est amusant, nous avons à peine échangé depuis notre départ, je pense qu'il serait temps de faire plus ample connaissance, histoire de renforcer notre futur travaille d'équipe.

Même si cela semblait comme une évidence, il fallait bien reconnaître que moi-même je n'avais pas fait beaucoup d'efforts pour cela. Aller je devais tenter de rattraper cela, inclinant légèrement la tête, je posais ma joue sur mon poing en fixant Hachiko, curieuse de connaître un peu plus la personnalité de ce dernier.

"révélation"

Hakkuru Hachikō

La discussion se poursuivait de plus belle, un jeu s'était mis en place, cherchant à se découvrir par la parole et le regard. Je trouvais cela amusant, profitant de la douce saveur de l'infusion qui réchauffait ma gorge je demeurais pensive. Laissant mes perles brillantes scruter l'être se trouvant face à moi, cherchant à sonder sa personne. Au final, admettant moi-même un peu plutôt que j'étais parfois mystérieuse. Je cachais simplement le sentiment de ne jamais avoir été vraiment moi. Un boulet enchaîné à une cheville fragilisée que je traîne depuis de trop nombreuses années. Détournant le regard par dépit, je viens serrer le haut de mon vêtement, comme si une insidieuse douleur me tenaillait, profonde et aiguisée. Ma vie faite de routes et d'argent m'a toujours attiré de nombreux ennuis, me poursuivant sans relâche. M'empêchant de pouvoir m'épanouir sous mes vrais traits. Soupirante, je reporte mon regard sur Hachiko, essayant de ne pas trop me laisser incommoder par ce ressentiment. Je tentais de noyer un peu le poisson en reparlant d'un sujet qui m'avait intriguée, « reformer les épéistes » en voilà un but ambitieux, même si je ne connaissais pas toute l'histoire.

-Tu dis vouloir reformer cette unité légendaire des bretteurs de la brume, dans quel but ? Pourquoi cela te tient tellement à cœur ?

Terminant ma tasse de thé d'une traite, je venais poser mon doigt sur le contour du récipient et le laissais effectuer une rotation en épousant cette forme sphérique. Ensuite je l'observais, il hésita un instant, circonspect devant cette interrogation.

-Parce que c'est l'un des symboles de Kiri et l'une des choses qui lui sont les plus précieuses, une part de notre identité qu'aucun autre village n'imitera jamais.  

Je vois, c'est intéressant comme point de vue. Je pense que se battre pour un symbole ou s'identifier à quelque chose comme tel permet éventuellement de renforcer son engagement. Finalement, ce n'est pas si loin de ma propre conviction. Je me battais pour faire valoir le dernier souhait de ma défunte sensei. Il ne fallait pas longtemps avant que le jeune homme ne place une remarque qui allait me toucher profondément en mal ou en bien.

-Mais, j'y pense... Tu ressembles vraiment au Mizukage.

J'esquissais un bref sourire, masquant mon regard sous les mèches de ma chevelure. Cette remarque réveilla en moi l'envie de m'émanciper d'une quelconque ressemblance avec un tiers et simplement être moi-même. J'avais déjà pu constater que mon apparence d'emprunt ressemblait énormément à notre dirigeante. Dans un sens c'était flatteur, il fallait bien reconnaître qu'elle était radieuse et charmante. Pourtant, pour une fois, j'avais envie de confier ce secret à quelqu'un et simplement admettre ce que j'étais réellement. Reposant mes perles émeraude dans le regard d'Hachiko, je pris la parole à demi-mot.

-C'est gentil de ta part, mais je dois bien t'avouer que mon apparence actuelle n'est pas vraiment la mienne.

Prise entre soulagement et méfiance, je venais m'étreindre, resserrant mes bras autour de moi, comme si une brise mordante parcourait mon être, un léger frisson.
Après un petit temps durant lequel il me détailla plus amplement, il finissait par me demander.

Comment ça? Tu parles d'une sorte d'illusion?"

Il sourit ensuite, paisible et détendu malgré ses paroles et reprenait.

-Tu sais que ce n'est ni étrange, ni déstabilisant, d'entendre ce genre de choses? Je devrais me méfier de toi. Rappelle-le-moi, à l'avenir. Si l'occasion se présente...

-Ce n'est que purement artificiel rien d'illusoire en soit, mais bon je vais te montrer.

Me tournant légèrement pour épargner un spectacle peu ragoûtant à mon collègue. Je viens avec toutes les peines du monde retirer une de mes lentilles qui donnaient cette teinte émeraude à mon regard. Dévoilant ainsi un iris presque plein d'un bleu azur. Me retournant alors, mes yeux contrastants parfaitement, ce n'était pas grand-chose, mais pour moi c'était un pas vers une forme de libération.

-Bon et bien voilà, rien d'extraordinaire pas vrai? Concernant ma chevelure c'est du même acabit.

Je laissais la situation ainsi. je ne cherchais pas une forme de réconfort ou de compréhension. Le but était simplement de me libérer, de pouvoir progresser sur la voie de l'acceptation et non de la peur de l'autre et d'être qui j'étais en réalité.