Les voix et pensées rebondissaient contre les multiples et infinies parois de ton esprit, y semant la zizanie comme jamais. Tu savais que cette horrible chose pouvait se réveiller à tout moment mais jamais elle ne s'était manifestée de la sorte, allant même jusqu'à en changer ton comportement. Le pire dans tout ça ? Tu ne t'en rendais pas compte sur le coup et cela pouvait s'avérer très gênant. Ce n'était pas encore une perte de mémoire mais tu perdais littéralement tes esprits. On pourrait presque apparenter tout cela à de vulgaires flashs. Durant quelques instants, dont la durée est plus que relative, tu devenais un autre homme et clairement pas de la manière dont tu le faisais habituellement. Non, d'habitude tu joues un script, tu joues des émotions qui dépendent de la personne à qui tu parles et de la situation dans laquelle tu te trouves. Ces absences étaient plutôt rares mais toujours aussi surprenantes à chaque fois.

Et c'était justement le cas. Le bémol ? Tu risquais très probablement de passer pour un schizophrène aux yeux de la Kirijin. Tu n'en avais rien faire, certes, mais les risques que cela salisse ton image internationale te préoccupaient un peu plus. Tu avais beau savoir ce que tu valais, ce n'était pas le cas de tout le monde. Et si la Mizukage actuelle venait à avoir vent de tes brusques changements de comportement ? Cela pourrait très vite s'ébruiter et ainsi tu perdrais toute crédibilité. Tu allais donc rapidement devoir apprivoiser cette monstruosité et la dompter, peu importent le temps et le travail nécessaire pour y parvenir.

Perfide et aux sonorités à la fois tendancieuses et licencieuses, tu ne faisais que soulever le fait que n'importe quel être humain se devait d'avoir ses propres secrets. Tu ne cherchais cependant pas à découvrir ceux que la Kunoichi pouvait cacher. Qu'est-ce que cela pourrait t'apporter de toute façon ? Un moyen de pression ? Inutile. Elle pouvait très bien être reliée à ses chefs par oreillettes et donc te tomber dessus à tout moment. Personne ne devait découvrir le travail que tu accomplissais dans l'ombre, ni même la place officieuse que tu tenais au sein du village. En tant que haut-Conseiller, tu devrais rester assis bien tranquillement dans tes bureaux à jouer aux cartes, boire de l'alcool bas de gamme et enfumer la salle de tes cigarettes bon marché, comme le faisaient tous les autres. Mais non. Tu avais bien trop de travail à faire et rester assis tel un vieux fonctionnaire ne t'intéressait en rien. Tu méritais largement ton grade pour le salir de ces salubrités et autres minables mondanités.

Ce n'était pas ton monde. Tu as toujours vécu dans l'ombre. Littéralement. Cette cave n'était pas vraiment éclairée. Ta relation avec Aika était elle aussi tapie dans cet élément, cachée, masquée aux yeux de tous. Encore une fois, tu vivais selon un script bien prédéfini. Il fallait quand même avouer qu'à partir du moment où mêmes tes relations amoureuses se devaient de suivre un parcours bien prédéfini... quelque chose n'allait pas vraiment. Mais tu n'y étais pas vraiment pour quelque chose. Tu avais toujours vécu de la sorte et ne savais pas comment modifier cela ; tu n'arrivais pas encore à te rendre comte de tout cela. Arriverais-tu à vivre normalement un jour ? Telle est la question que ceux qui te connaissent (ou du moins celle qui te connaît) se posaient sans cesse. Eh oui, contrairement à ce que tu peux penser, les gens qui t'aiment se font du soucis pour toi. Eux ressentent de réelles émotions sur lesquelles tu 'arriveras jamais, ô grand JAMAIS, à mettre un nom dessus, une quelconque étiquette pour t'aider. Tu essayais d'être toi-même, naturel, de t'ouvrir aux autres, mais c'était beaucoup trop difficile pour toi.

Quoiqu'il en soit, tu avais d'autres soucis à gérer que tes déficits sentimentaux. En effet, tu avais une terrible blessée face à toi et il allait bien falloir que tu la ramènes au village plutôt que de débattre stérilement avec elle. Cela n'avait aucun intérêt pour toi et plus tu tardais, plus maigres étaient les chances de retrouver le groupuscule que tu devais absolument terrasser. Trois d'entre eux étaient morts mais ce n'était pas suffisant. Le reste pouvait très bien recruter d'autres membres pour reprendre de nouveaux leurs réseaux illégaux. Tu te sentais énormément concerné, mais pourquoi ? Lorsque tu partis comme une furie du village, la plupart des Sunajins se demandaient pourquoi une telle organisation te faisait sortir de tes gonds. Mais comment étaient-ils au courant de ta mission ? Le Kazekage en avait déjà parlé et avait demandé aux femmes et enfants de faire attention à eux en cas de sortie du village, même si ce n'était que pour aller traîner dans le désert. Pour la plèbe, tu n'avais pas de famille. Célibataire, orphelin – ou au moins émancipé – tu ne pouvais savoir ce que cela faisait de voir des femmes maltraitées, considérées comme de simples morceaux de viande fraîche etc.. Ils n'étaient pas au courant de la relation que tu avais il y a douze ans, des malheureux événements provoqués par ce qui te servait de géniteur et des différents traumatises subis. C'est pour cela que tu en faisais une affaire personnelle.

La femme de la pluie se décida finalement à manger un bout. Vu l'état dans lequel elle se trouvait, cela ne pouvait que lui faire du bien et tu ne comprenais d'ailleurs pas pourquoi elle n'avait pas tenté avant. Après une légère convalescence, il était toujours bon de reprendre des forces et quoi de mieux que de sustenter ? Tu reculas légèrement et la regardas manger, légèrement distrait. En effet, tu te demandais comment tu allais la traîner jusqu'à son village sans que son état ne s'aggrave. Elle prit la parole et n'hésita pas à utiliser de nouveau le tutoiement, comme si vous vous connaissiez de toujours, t'affublant de surcroît du surnom que seule Hakase avait été apte d'utiliser. Aki... Tu souris faiblement à cette remarque et reprit soudainement tes esprits. Ton faciès changea de nouveau du tout au tout et tu arboras ton fier habituel sourire, celui duquel tu ne te détacherais jamais. Tu l'écoutas naturellement répondre à ton précédent « argumentaire » concernant les secrets et te redressas à ton tour. Faisant craquer ton dos, tu tendis ta main droite vers elle afin de l'aider à se relever.

「 Comme vous le savez, Emiko-san, nous avons tous nos secrets et en aucun cas je tiens à découvrir les votres. Que pourraient-ils m'apporter ? Rien. Je n'ai que faire de vos états de conscience et, en toute honnêteté, cela serait plus un fardeau à porter qu'autre chose. Quoiqu'il en soit, vous avez raison. Il nous faut partir au plus vite au risque que votre blessure ne soit pas prise à temps. Le temps presse. Montez donc sur mon dos, cela ne sera que plus rapide 」 terminas-tu en t'accroupissant légèrement afin qu'elle puisse te grimper dessus.

Il fallait savoir lire entre les lignes pour comprendre que le temps pressait pour autre chose que son état. Comme tu l'avais souligné, tu n'en avais pas grand chose à faire d'elle. Tout ce que tu voulais c'était mettre la main sur ces raclures et leur faire payer le prix fort. Une sentence bien plus horrible que la mort...
Finalement, une fois sur ton dos, tu dévalas l'espèce de montagne dans laquelle se trouvait votre grotte de fortune et te dépêchas d'aller en direction de Kiri. Une fois aux portes du village, tu la déposas à terre et expliquas brièvement aux gardes ce qu'il s'était passé avant de disparaître en un rien de temps...