Poser la première pierre. ~

*Secourir les blessés hein... et les morts on s'en fout?*

Elle se rendit bien compte de la stupidité de ses pensées, mais ce fut tout de même la première chose qui lui traversa l'esprit lorsqu'elle lut son ordre de mission. Après tout que pouvait-on faire pour les morts? Un cadavre restait qu'un cadavre, qu'il pourrisse dans le sable ou dans un tombeau de granit, cela avait surement bien peu d'importance pour l'âme qui l'avait quitté.
Dire qu'elle était d'humeur morose serait un vilain euphémisme. Enfin qu'en sais-je, peut-être seriez-vous simplement "moroses" après avoir perdu tout ce qui comptait à vos yeux? Non... Notre fleur s'était certes levée à l'aube, mais ce fut tout simplement pour échapper à ses cauchemars.

Aujourd'hui elle portait un large tee-shirt légèrement décolleté avec une petite jupe noire. La couleur mise à part, nous étions bien loin du style d'une jeune fille en deuil. Ceci dit elle n'avait pas besoin de souligner sa tristesse, il suffisait de la voir... Son visage avait perdu toute lueur, et cette chose qui se trainait jusqu'à la zone sinistrée rappelait d'avantage une machine qu'un être humain. Pouvait-elle réellement aider quiconque dans ces conditions?
En tout cas elle-même ne semblait pas en douter, puis qu’après tout il n'était pas encore huit heures qu'elle se trouvait déjà sur les lieux de l'attentat. Elle n'était pas revenu ici depuis qu'elle s'était lamentablement évanouie, et les dégats étaient encore plus effarants que ce qu'elle avait pu entrevoir. Rien n'avait été épargné par l'explosion. Même les bâtiments les plus imposants avaient été lamentablement éventrés. Ce village pouvait résister à une tempête de sable, mais s'était une calamité d'un tout autre niveau qui l'avait meurtrie.
Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis le triste évènement. Ainsi, ce paysage post apocalyptique avait été modestement réorganisé. Senseurs et divers as du repérage s'étaient occupés de secourir les rescapés, et quelques tentes de fortune ornaient déjà le paysage. Ceci dit cela ne signifiait pas qu'il n'y avait rien à faire.

"Hum, vous avez besoin d'aide?"

Elle ne s'en était pas rendu compte, mais cela faisait quelques minutes qu'elle ne bougeait plus. Ses bras pendaient mollement le long de son corps, tandis que ses grands yeux, encouragés par le désespoir évident qu'inspirait ce carnage, se faisaient toujours plus humides. Pendant quelques secondes elle fut vaincue par l'horreur, d'où la question innocente de ce jeune enfant. Quoi? Il désirait l'aider, lui? Malgré elle, un sourire se dessina lentement sur sa face, tandis qu'elle posa sa main sur la joue de ce très jeune "héro".

"Merci, tu viens d'en faire énormément."

Sur ces paroles plutôt énigmatiques pour un enfant de neuf ans, elle lui faussa compagnie, commençant non pas avec entrain, mais avec une détermination certaine sa nouvelle mission. Elle avait déjà remarqué quelques mouvements étranges dans les décombres. Il lui fallut un du temps toutefois pour comprendre pourquoi des gens prenaient le risque de visiter ces ruines. Tout avait été balayé, mais il était toujours possible qu'un outil ou un souvenir ait échappé au cataclysme. Or lorsqu'on avait tout perdu, la moindre babiole pouvait prendre beaucoup de valeur.
Elle quitta sur le champs la route de fortune, et s'enfonça dans le premier cadavre de maison qui passait à sa portée. Sa formation de ninja lui permettait d'évoluer sans mal à travers les ruines, et si l'aventure n'était guère plaisante, elle  tentait au maximum de rester concentrer. Elle repéra rapidement un groupe d'ombres circulant dans les restes d'une grande bâtisse. Il y avait deux hommes et une dame, et il s'agissait surement d'un couple et de leur enfant. Alors que les deux autres s'activaient, cette femme restait immobile, assise à même le sol avec une ... écharpe? L'Hanato se rapprocha prestement du groupe, et à peine croisa-t-elle le regard de cette mère qu'elle comprit qu'il valait mieux ne rien dire. Tout le monde avait perdu un être chère, mais certain en souffrait plus que d'autre.
Les deux sires avaient presque déblayé une très grosse armoire. Sans pour autant être intact, elle se portait miraculeusement par rapport au reste de l'édifice. Ils leur fallait toutefois se débarrasser d'un énorme pan de mur pour récupérer l'objet.

"Cela ne sert à rien, vous risquez seulement de vous briser le dos."

Sa voix fut bien trop froide à sa goût, mais au moins ces deux ahuris cessèrent de s'entêter. De plus prêt, il ne s'agissait pas d'une roche unie, mais d'un agrégat de pierres bien trop lourdes pour être enlever une par une. Elle effectua tout d'abord une pression par sa main gantée, puis elle sauta carrément au sommet du monticule.

"Attendez-moi dehors, j'ai peut-être une solution, mais ici vous risquez de me gêner."

Encore une fois, la courtoisie n'était pas son fort, mais trop content d'avoir un coup de main, ces types la laissèrent prendre en charge la situation. Dès qu'ils eurent éloigné la pauvre femme, elle sortit son unique parchemin explosif, et l’apposa délicatement sur le flanc de sa cible. Elle l'avait placé le long d'une épaisse fissure, et si tout allait bien le souffle de l'explosion permettrait non seulement de désolidariser l'objet, mais d'expulser les fragments fraichement créer. Il fallait juste espérer qu'elle n'abîme pas l'armoire...
Elle prit elle même un peu de distance, et plaçant ses doigts dans la position adéquate, un discret -Katsu- activa l'explosion.

© Adrenalean pour Epicode

Poser la première pierre. ~

*Misérable...*

Avouons le, le contenu de cette armoire faisait peine à voir, et pourtant, avec quelle joie se jetèrent-ils sur ces haillons poussiéreux... La misère savait comment dresser l'orgueil, permettant à l'homme d'apprécier l'essentiel. La belle ne perdit pas de temps à récolter des remerciements. Elle disparut comme une ombre, prenant toutefois une pause sur la hauteur d'un pilier, à l’abri des regards. De ce tas de broques était sortie une peluche, et ce minable lapin arrivant rapidement jusqu'à la mère en deuil. Une lumière raviva son regard, et malgré les larmes, On pu voir un semblant de sourire ce dessiner sur ses lèvres.

*Je n'étais peut-être pas si inutile tout compte fait.*

Akaru continua donc sa route, circulant à travers les décombres en ombre bienfaitrice. Elle s'arrêtait de temps en temps pour donner un coup de mains, son agilité et sa petite taille n'étant pas un atout négligeable dans un tas de ruine. Lentement, ses vêtements se couvrirent de poussière, et elle sentait la crasse du travail qui s'infiltrait dans ses cheveux. Cependant loin de la rendre sale, cela ne la rendait que plus sauvage, plus farouche, plus belle.

Le soleil avait déjà traversé la moitié du ciel qu'elle se décida à faire une pause. Une grande tente fournissait un repas sommaire et nourrissant. Il était étrange de voir que, malgré l'atmosphère lugubre des alentours, une bonne humeur général régnait dans cette cantine improvisée. Rires et éclats de voix réchauffaient l'atmosphère, et même ceux portant encore le masque du silence étaient comme rafraichis par cette chaleur humaine. L'Orpheline ne se sentait pas d'humeur bavarde, mais plutôt que d'emporter sa portion de ramen, elle resta au sein de ce chahut, se nourrissant malgré elle de cette allégresse générale.
Une petite chose trottait d'une table à l'autre. Elle ne l'aperçut pas tout de suite, mais il fallut peu de temps à Akaru pour reconnaître un certain jeune homme. Ces haillons étaient tout plein de poussière, et le baluchon qu'il trainait avec lui semblait avoir grandit. Il devait avoir passé tout ce temps à fouiller les décombres, seul... Pourtant il continuait de sourire.

"Il y a de la place ici!"

La douceur de sa voix ne correspondait pas vraiment avec son humeur actuelle, mais pouvait-il se montrer froide devant ce petit ange? Bien qu'elle ne fusse pas familière, une voix amicale charma instantanément le gamin, qui ne tarda pas à s'asseoir à ses côtés. Ils restèrent un moment côte à côte, n'échangeant pas une parole, se contentant d'apprécier le repas spartiate, mais nourrissant.

"Je m'appelle Hanato Akaru, et toi, comment t'appelles-tu?

-Haku... Naroki Haku."

Il avait une voix de Séraphin, un véritable baume de douceur. Ses grand yeux noirs plongeaient sans méfiance de ceux de l'autre orpheline, scellant malgré eux une entente tacite entre les deux êtres.

"Je ne te demanderai pas d'où tu viens, mais sais-tu où aller?

-Eh...

-Eh? Je vois. Et cela te dirais qu'on aille nulle part ensemble?"

Cela commença par une simple lueur, puis une véritable aurore naquit dans ses traits enfantins. Ses yeux ténébreux se remplirent d'étoiles, tandis qu'un sourire valant tout l'or du monde étirait ses lèvres. La gentillesse était un baume, et apparemment la belle venait de donner à cet orphelin une sublime médecine.
Elle ne savait pas comment elle fera pour s'occuper de lui, elle n'avait rien prévu ou étudier. Ceci dit sa conviction de fer restait inébranlable. Elle n'allait pas se laisser abattre par ce foutu terroriste. Pour honorer les siens, pour honorer sa tendre mère, elle allait reconstruire cet orphelinat, car maintenant plus que jamais, les jeunes âmes de Suna avaient besoin d'amour.

© Adrenalean pour Epicode